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Meliepapillon
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18 novembre 2006

Le diable d’étranger et M. Gu Hong Ming. Wang xiaobo

Article publié dans l’hebdomadaire les trois unions de la vie. 1996

C’est à la lecture de certains livres libertins que j’ai perdu mon innocence. En anglais, "lose innocent " revient implicitement à dire :“ se dévergonder ”. C’est bien dans ce sens là que je l’entends. J’ai perdu mon innocence dans la bibliothèque de l’université de Pittsburgh. J’y avais emprunté un livre qui s’intitulait Les joyeuses aventures d’un diable d’étranger en Chine et qui racontait le voyage d’un américain en Chine. Apparemment, cet étranger était un mordu de la culture chinoise qui, à peine avait-il débarqué à Shanghai, s’épris passionnément des chinois qu’il y vit. Que quelqu’un nous apprécia, c’était une chose qui me faisait déjà grand plaisir, mais d’un autre côté, ce bonhomme était un sadique, doublé d’un bisexuel. Or être apprécié de ce genre de personne, voilà qui n’a plus rien de réjouissant, à moins d’être soi-même masochiste. A l’instar du plus grand nombre, j’ai des penchants sexuels normaux. Comme tels, nous sommes émoustillés à la vue des beautés de l’autre sexe: en tant qu’hommes, nous voudrions que les rues soient remplies de belles filles, en tant que femmes, qu’elles soient remplies de beaux mecs. Ce genre de désir correspond à la normalité. Dans les livres antiques, il est question d’un homme qui avait un penchant pour les mauvaises odeurs. Il aimait respirer la puanteur des aisselles, et aurait rêvé que tout un chacun ait deux aisselles bien puantes, empeste comme un renard et soit débauché comme une belette©  : ce genre de attrait peut difficilement être taxé de normal, à moins que vous ne considériez le fait de porter un masque à gaz comme une chose ordinaire…. Or, le désir de cet étranger sadique n’était autre que de voir la surface du monde recouverte de masochistes ; et c’est là aussi un idéal bien peu ordinaire, vous me l’accorderez. Le malheur est que, en Chine, il a vu son idéal se réaliser. Les hommes qu’il y rencontra, dit-il, étaient serviles, le crâne a moitié rasé, une tresse de cheveux pendouillant en queue de cochon à l’arrière. En deux mots, beaux à tomber en pamoison. Quand aux femmes, qui avec leurs pieds strictement bandés ne pouvaient marcher sans le soutien d’une tierce personne, leur douloureuse démarche frêle et affaiblie, elles étaient à rendre fou d’extase… Apparemment, l’attitude de cet étranger vis-à-vis de la culture chinoise est assez proche de la thèse du susdit M. Gu Hongming© ©  – M. Gu admirait à la fois les pieds bandés et la tresse. Certains disent de lui qu’il était un homme singulièrement remarquable. Si j’approuve ce trait de singularité, ce n’est pas forcément dans un bon sens. Du point de vue des gens ordinaires, un comportement sadique est également très singulier. L’avantage, c’est que ce dernier ne force personne, il se contente de rechercher un compagnon à ses jeux sexuels, et il trouve la personne du masochiste un compagnon adéquat. Une fois accouplés, ils recherchent un endroit calme où pratiquer leurs jeux, qu’ils nommeront « chambre des secrets ». L’important est de mettre en place une forme de cérémonial afin de créer un climat, et de ne pas appliquer de véritable violence. Voilà en deux mots les principes du S/M occidental. Mais certains sadiques ne trouvent pas si facilement le compagnon idéal. Celui dont il est question ici appartenait à cette catégorie, jusqu’à ce que sur sa route il croise,par bonheur, les chinois. D’après ses dires, si certains hommes occidentaux se font attacher avec une laisse dans la « chambre des secrets », ils sont cependant très loin de se raser la moitié du crâne et de se laisser pousser une queue derrière la tête. Il n’avait également jamais rencontré de femme qui accepte de bander ses pieds pour les transformer en sabots de cochon. Il aimait donc par-dessus tout contempler l’ apparence des chinois, qu’il trouvait éminemment sexuelles--- et c’est en cela que c’ était un détraqué sexuel. Quand au problème de M. Gu Hongming, je ne saurais dire aussi clairement ce qu’il en est. Quand ce diable d’étranger eut vu les chinois exécuter les prosternations traditionnelles, il eut du mal à contenir son excitation : jamais il n’aurait imaginé une scèneà si forte connotation érotique ---- plier les genoux ! frapper le sol de la tête ! ! la bouche qui plus est débordante de paroles de soumission !!Il pensa que le destinataire de ces actes de prostration devait être un homme aux désir totalement assouvis. Ayant entendu dire que les grands ministres rencontrant l’empereur devaient plier les genoux par trois fois et frapper la tête au sol par neuf fois, il lui vint immédiatement des rêves impériaux : il aurait bien voulu mourir pour voir de si joyeux jeux sexuels se répéter ainsi chaque jour sous ses yeux. En résumé, le système politique chinois de cette époque n’était à ses yeux qu’ineffables jeux et cérémonies érotiques ; son seul regret était qu’en tant qu’étranger, il pouvait seulement voir, et pas participer… Dans ce livre, il est également question du système judiciaire chinois. Le seigneur assis sur la tribune, immobile et digne, le coupable implorant agenouillé en dessous, c’était un tableau qui le laissait rêveur. Le seigneur jetait une tige de jonc, quelqu’un renversait le coupable, le déculottait, agitait le bâton et frappait. Ce spectacle renouvelé donnait à l’étranger une insurmontable envie de monter sur la tribune, en déloger le seigneur et prendre tout bonnement sa place. Finalement, il dépensa quelques centaines de taels pour acheter une résidence de mandarin, s’assit sur dans le tribunal, et donna une volée de coups à une prostituée revêtue en habits de coupable, et assouvit de la sorte son profond désir. Enfin satisfait, il s’en fut. Dans le livre, on peut voir sa photo, grimé en mandarin, posté à la porte du tribunal. Point besoin n’est d’en dire plus, la justice ancienne en Chine s’apparente en tout point à cérémonie détraquée. Malheureusement, les coups sur les fesses étaient loin d’être simulés, et donc beaucoup moins amusantes qu’il semblait le croire. En cela, ce genre de détraquage est bien pire que le S/M. Certains lecteurs argueront que cet étranger n’étant pas lui-même une bonne chose, il n’est pas étonnant qu’il considère notre culture comme tordue. Mais cet argument ne me consolera pas, parce que j’ai déjà perdu mon innocence. Pour parler franchement, comparer ce qui se passe dans une « chambre des secrets » occidentale à ce qui se passe ici n’est pas vain. Dans la « chambre des secrets », certains masochistes se surnomment "esclave", et appellent le sadique par le surnom de " maître". En Chine, on se désigne par les termes " homme méprisable ", "votre esclave", et on nomme son interlocuteur " grand seigneur " .La signification est à peu près la même. Certains masochistes dans la chambre des secrets se regardent comme de vils insectes, et prennent leur interlocuteur pour le soleil. En Chine on ne dit pas insecte, mais on se dénomme "brique rouge" ou "petite vis" ; quand au soleil, ce n’est pas suffisant, il faut encore lui adjoindre le plus hyperbolique des préfixes. Cela éclaire le fait que nous soyons ici dans une immense chambre des secrets. Mais l’apparence des choses n’explique rien, encore faut-il en considérer l’esprit. M. Gu Hongming nous dit : « l’esprit de la Chine réside dans une religion du bon peuple, dans chaque femme qui se dévoue intégralement à son mari (intégralement comprend le fait de l’aider à prendre concubine ) dans chaque homme qui se dévoue sincèrement et absolument à son maître, seigneur ou empereur ( absolument veut dire ici en donnant jusqu’à ses fesses). Chaque masochiste dans sa chambre secrète se soumet plus ou moins ainsi à son sadique, c’est ce qui caractérise un illimité esprit soumis et flagorneur. Après le renversement de la dynastie des Qing, les concubines et les bastonnades ont été abolies, mais l’esprit persiste, pour atteindre son apogée sous la "révolution culturelle". Pendant le mouvement du 4 Mai© © © , M. Gu Hongming a été qualifié de "vieil excentrique", mais maintenant au contraire il érigé en éminent connaisseur de la Chine et de l’occident, et on réédite ses livres. Allez savoir pourquoi…. Peut-être est-ce pour permettre aux sadiques étrangers de venir à nouveau nous apprécier ?

© si vous en savez plus sur les belettes, merci de vos commentaires…

©© M. Gu Hongming était un éminent professeur confucianiste de la première moitié du XXe siècle.

©©© 4 Mai 1919, mouvement culturel de révolte contre les traditions.

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