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Meliepapillon
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Meliepapillon
24 août 2006

eva

_ «  Pense-tu que ce prénom m’aille vraiment bien ? Je veux dire, il est un peu

court, je ne me rends pas bien compte de son sens… J’avais pensé que "Lolita "peut-être…»

- « Oh non, ce nom te sied parfaitement, il dénote une femme de caractère, aux penchants artistiques, au sourire enjôleur, pleine de joie de vivre. »

Je pense bien sûre à Eva, et je suis convaincue à cet instant que toutes les Eva du monde sont ainsi. ( Même Eva Braun ? ) Elle, c’est une étudiante de l’Alliance Française, en dernière année de fac, le sourire y est, le goût aussi (je flaire la surdouée du shopping dès le premier cours mais, malheureuse, ne m’en alerte pas ) et ses études de design ne lui procurent-t-elles pas la fibre artistique ?

-         On se voit demain alors ? Super, on ira au musée de San Xing Jui.

-         C’est loin ? on va prendre le bus dans quelle gare ?

-         Non, non…Mon papa nous y conduira…

-         …O.K….

Eva a des lunettes de star américaine, portées avec un naturel déconcertant sur la lande a ciel découvert de ce bout de campagne où se perche le musée des origines de la civilisation chinoise.

J’émets une certaine crainte quand à la confortabilité de ses chaussures roses à talons et semelles compensées, mais elle m’assure être au mieux, ce que sa démarche embarrassée semblerait démentir au premier coup d’œil non averti, mais une fine connaisseuse reconnaît là la présumée légèreté encombrée d’une allure féminine typique, c'est-à-dire attendue par tout mâle qui se respecte chez toute femme digne de ce nom…

Papa et maman ne visitent pas le musée avec nous, alors ils nous attendront poliment dans un salon de thé pendant que nous découvrons des statuettes effarantes,

l’ancêtre de Wallace :

… un dieu minuscule faisant caca,

Un géant détiré, aux  mains démesurées ceignant une défense d’éléphant disparue, et surtout, ces roches de jade, taillées dans le bloc, la coupe est lisse, parfaitement et secrètement polie sur ses deux pans, inexplicablement découpée, la roche pourtant infrangible. Bloc de montagne échoué dans ce musée, son apparente froidure est désavouée par le premier toucher, mais à son véritable contact sa nature douce se révèle, et n’en est-il pas ainsi de l’homme de bien chinois, qui fit de cette pierre le blason de sa vertu ?

L’envie m’habite tout du long de palper, caresser ces innombrables lames de hallebardes ou ce disque énigmatiquement parfait, symbole du ciel, qui s’accouple lors des cérémonies religieuses avec le socle carré de la terre.

Eva ne va plus au travail. Elle a cessé depuis une semaine de se rendre quotidiennement à l’entreprise de design paysager ou elle avait commencé un stage dix jours auparavant. Sa première expérience professionnelle.

-         « Il y faisait trop chaud. »

-         « N’y avait-il donc pas l’air conditionné ?

-         « Si. »

Nous sommes tous les trois exposés sous un soleil d’août, assis sur des rochers au beau milieu du plus beau parc de Chengdu, prés du lac, contemplant les résidences les plus luxueuses de toute la ville, à l’achat desquelles ne peuvent prétendre que les plus riches familles, d’ailleurs listées minutieusement par les promoteurs. Eva laisse ses fantasmes errer dans cette direction de longues minutes.

Il doit faire aux alentours de 38° aujourd’hui.

-         « Il y faisait trop chaud ? » Dubitative.

-         « Et bien oui. »  Assertive.

Mais sous mon regard scrutateur, un sentiment de culpabilité peut-être la gagne. Contrainte :

-         «  Oui, enfin, devant cet ordinateur, à longueur de journée… » Elliptique ?

-         « … chiant. Tu veux dire ‘chiant’ et non pas ‘chaud’, n’est-ce pas ? »

-         « et bien oui »

Je ne parviens pas à lui faire prononcer le mot. Le vrai mot. Le mot adéquat. Le mot franc. Le mot qui force le questionnement. Non. La tête lui tournerait certainement.

Et puis maman avait tout à l’heure avancé un prétexte à la désertion professionnelle de sa fille, attribuant de vagues traces d’acné tardive à une subite et non identifiée prétendue crise d’allergie, alors si toute la famille s’investit pour sauver les apparences, moi, là, avec mes mots…une vraie détractrice.

J’imagine la chambre d’Eva très rose, foisonnante de peluches. Roses aussi. Blanches. Et énormes.

Finalement, pourquoi pas Lolita ? »

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